samedi 26 juillet 2008

Une semaine pour les baleines

Quand la Commission Baleinière Internationale se fragilise, quand les Etats ne s’entendent plus, quand l’économie prend le pas sur la préservation de la biodiversité…
Alors ce sont les grands cétacés qui sont menacés.

Baleine

Du 23 au 27 juin s’est déroulée à Santiago du Chili la 60e réunion plénière annuelle de la Commission Baleinière Internationale (CBI), organe décisionnel de la Convention baleinière. La Commission regroupe 80 pays au 1er juin 2008 dont 21 membres de l’Union Européenne . Voir la liste des membres ici.

  • La Convention baleinière de Washington, datant de 1946, a été élaborée dans un but de conservation des baleines, pour un meilleur développement de l’industrie baleinière. Dès lors un paradoxe s’installe puisqu’il s’agit de concilier protection de la biodiversité et enjeux économiques… protection d’une espèce pour permettre son exploitation… Cependant la Convention répond a un véritable problème mondial et permet l’expression des différentes parties.
  • En 1986, un moratoire est entré en vigueur, interdisant la pêche commerciale des grands cétacés.

La Convention baleinière prévoyant que tout Etat membre peut poser des objections aux décisions prises par la CBI, trois pays se sont opposés au moratoire : la Russie, la Norvège et l’Islande. Ils poursuivent donc leur activité de chasse sous objection, conduisant à la mort d’environ 650 cétacés tous les ans à des fins commerciales.

Le moratoire est également affaibli par deux permissions : la chasse aborigène de subsistance et la chasse scientifique.

  • La première consiste en une chasse culturelle et de survie. Elle est pratiquée en Alaska (Etats-Unis), en Sibérie (Russie), au Groenland (Danemark) et à Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Pour cette pêche, des quotas sont fixés pour une période de 5 ans et le dernier renouvellement date de 2007. Toujours en cours, ces indices sont de 620 Baleines grises pour 5 ans, 19 Rorquals communs par an, 212 petits Rorquals par an et 20 Baleines à bosse pour 5 ans.
  • La seconde, la chasse à but scientifique, s’est considérablement développée depuis l’existence du moratoire... Le Japon pratique la chasse à la baleine sous couvert d’une vocation scientifique depuis 1986 et l’Islande fait de même depuis 2002, date de son retour à la Commission. Difficile de croire à une coïncidence !

Ces pratiques soulèvent des mécontentements au cœur de la CBI, qui menace de disparaître en raison des tensions qui existent entre ses membres.

Si le Japon insiste sur la réalité de ses recherches scientifiques en brandissant un rapport d’activité de 2007, il réclame une levée du moratoire, en commun avec d’autres membres de la Commission, estimant que les effectifs de cétacés, ou « stocks », ont eu le temps de se renouveler.

Ils s’opposent aux pays dits « protecteurs » que sont entre autres la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Afrique du Sud, l’Australie, le Brésil, les Etats-Unis… qui brandissent le principe de précaution. En effet à l’heure actuelle le recensement des cétacés est aléatoire et d’autres facteurs participent à la mort de ces espèces comme les diverses pollutions, le transport maritime, le changement climatique et les captures accidentelles. Tous ces éléments sont extrêmement difficiles à prévoir ou même à limiter, mais peuvent avoir un impact important sur les populations de cétacés. Ayant conscience de ce paramètre, les pays protecteurs préfèrent ménager les populations marines en conservant des quotas exigeants.

De plus, ils défendent la création de sanctuaires marins où la chasse est proscrite. La France s’illustre d’ailleurs dans le soutien financier du sanctuaire de l’Antarctique.

logo.jpeg

Le problème de la CBI est qu’elle permet une chose et son inverse… La Convention permettant l’objection de décisions prises par la Commission, elle la discrédite totalement.

  • C’est ainsi que la Norvège chasse la baleine à des fins commerciales depuis 1993 et entend augmenter ses quotas ; le Japon est revenu sur son objection au moratoire mais pêche sous couvert d’intérêts scientifiques discutables… De plus il émet une objection à la création de sanctuaires.
    L’Islande pratique la chasse de cétacés à des fins commerciales
    depuis 2002, sous prétexte qu’elle a émis une réserve au moratoire…
  • En bref chaque pays est parfaitement libre de faire ce que bon lui semble, le moratoire ne lie aucun Etat membre de la CBI et celle-ci n’a plus vraiment de légitimité.
  • C’est pourquoi les pays « protecteurs » dont la France désiraient la suppression du droit d’objection et de réserve.

Notre gouvernement défendait également trois grands points :

  • le maintien du moratoire,
  • l’interdiction de la chasse pour la recherche scientifique et le développement de moyens de recherche non létaux (proposition australienne)
  • la mise en place d’un système de localisation des cétacés pour réduire les risques de collision avec les navires de commerce.

A la fin de cette 60 édition de la Commission, le bilan est mauvais.

Au lieu de se préoccuper du sort des cétacés, la Commission s’est concentrée sur son bon fonctionnement … sans pour autant améliorer la protection des baleines.

La réunion s’est avérée délicate voire houleuse entre les différents parti pris, fragilisant encore un peu plus la CBI, qui menace toujours de disparaître.

Pour faire un geste vers l’apaisement des débats, les pays d’Amérique Latine ont décidé de revenir sur leur volonté de créer un sanctuaire baleinier dans l’Atlantique Sud… Voilà où en est la CBI : des concessions qui n’ont rien à voir avec une meilleure protection des cétacés, pour espérer conserver une certaine cohésion politique entre les membres…

Manifestement, non seulement la CBI n’est pas consolidée à l’issue de cette réunion, mais elle n’a pas été non plus efficace.

Texte rédigé pour Toogezer, visible sur www.toogezer.com

Aucun commentaire: